Pas de murs. Pas de sols. Pas de maison non plus. Aucun arbre. Aucune herbe. Espace sans paysage.
Pas même de ciel. Ni lumière ni ombre.
Des silhouettes semblent entourées de brumes. Leurs contours nous échappent. Leurs visages aussi.
Si leurs vêtements ne flottaient pas autour d’elles, seraient-elles même visibles ? Ce qui les retient ?
Une trame capte des fragments de présence, nous les donne à voir avant disparition imminente.
Seul perceptible, un mouvement, de moins en moins ténu d’une toile l’autre. Plus les silhouettes grandissent,
plus le mouvement s’intensifie. Ressemble presque à une danse. Frénésie de mouvement. Qu’est-ce qui les anime ?

D’où viennent ces figures sans visage ? De quels lointains, de quelle nuit, de quel temps ? Quelles rives ont-elles quittées ?
Où se dirigent-elles ? Vers nous qui les regardons ? Et nous, où sommes-nous quand nous les regardons ?
Et si nous étions en route vers elles ? Et si elles nous attendaient, nous accueillaient ? Quel est ce lieu ? Où sommes nous ?

Claire Jaudeau ne raconte pas. Avec une grande économie de matières et de couleurs, un dépouillement, un geste sans sophistication, elle donne à voir sans savoir d’où surgissent ces figures. Pas de modèle pour les représenter ni de volonté de représentation. C’est la main qui voit. Pas l’œil. Ou alors un œil intérieur qui regarderait derrière les choses.
Congédier les détails pour se concentrer sur le sujet. Ce qui est absent du tableau nous y renvoie inlassablement, avec constance, et pour méthode, la répétition et la variation.
À l’origine, pas de réminiscence. Le sujet impose son énigme, tableau après tableau.
Claire Jaudeau l’interroge, le décline en séries, en formats qui n’épuisent ni ne résolvent l’énigme.

Djamila Salah